Le cafetier de Carcès


                            



                                     

    Nous sommes dans un petit village du centre Var, à Carcès plus précisément en 1890. , je vous plante le décor !
     Marcel, connaissait tout le monde dans la commune. Il était cafetier, possédait le plus beau café du village, sur la place de la Mairie. J’aurais pu dire un bistrot de pays. Vous savez que le nom de cafetier vient du fait que le café est arrivé en France par le port de Marseille et était vendu dans la rue. Il suffisait de pousser la porte de ce bistroquet pour être ailleurs, dans un autre monde, c’était joliment décoré. Il avait une verve aussi fleurie que sa barbe, que je vous dis pas. On se serait cru dans une histoire de M. Pagnol.
     Sur la place  de la Mairie, il y a une horloge qui égraine toutes les heures le temps qui passe. Une fontaine où coule une eau fraîche pour l’anisette. Il y avait un lavoir non loin de la place de la Mairie. C’est là, que les lavandières bavardaient. Sans être misogyne, quand la langue des femmes marche, il faut s’attendre à tout. C’est là que l’on apprenait les potins de tout le canton. En général, elles ne faisaient pas que parler, elles chantaient également. Pas toujours juste d’ailleurs, mais que voulez-vous tout le monde n’a pas la voix mélodieuse. Marcel disait qu’à force de chanter, elles allaient faire pleuvoir. Combien de fois ces lavandières se sont cassées le dos, en ayant l’échine courbée à genou sur la margelle pour laver leur linge, avec une brosse à chien dent et un gros morceau de savon de Marseille, les mains dans l’eau glacée. Le battoir dans une main, elles bacellaient le linge, fallait voir les bouffes qu’il prenait, aussi je vous dis pas le mourre que faisait le linge, je n’aurais pas aimé être à sa place, peuchère.
   Souvent, Marcel venait leur offrir une boisson chaude surtout l’hiver, quand il gelait dur. Il le faisait en cachette parce que sa femme était très jalouse.
     A l’époque, deux fois l’an, se pratiquait la bugade, la grande lessive qui se faisait au printemps et en automne. Le linge bien blanc était étendu sur l’herbe verte. Une fois sec, il était plié et sentait le propre. Ensuite,  Il était placé dans l’armoire avec un bouquet de lavande. Pour le sent bon.
     Marcel avait bon cœur et de temps en temps, il offrait une tournée générale à tout le village, et tous ne manquaient en aucune façon cette invitation. Lever le coude et se rincer le gosier à l’œil, pensez donc cela ne se refuse pas. Même ceux qui ne venaient jamais, étaient au comptoir. Il disait toujours :
-«  L’anisette, c’est comme les seins des femmes, un c’est pas assez et trois c’est trop. »
     Marcel, des qu’il le pouvait, ce qui n’était pas souvent le cas. Allait chez ses parents à Aups, ce petit village du haut Var plein de charme, capitale de la truffe. C'est une commune pleine de caractère où il y fait bon vivre.
     Là, il avait ces habitudes. Il connaissait des coins à rabasses. Il savait où il y avait des chênes truffiers. Il était rare qu’il revienne, de ces petites escapades, bredouille.
     Il repérait les rabasses, au pied des chênes où presque rien ne pousse. Très souvent, il y a des cailloux clairs et épars, et pas ou très peu d’herbe.
     C’est dans ces terrains désolés Jésus a du perdre ses chaussures, que se trouve le précieux tubercule, le diamant parfumé, la belle ténébreuse ou encore l’impératrice souterraine qui fait tant le délice des gourmets et la richesse du canton. C’est parmi ces pierres dans très peu de terre qu’elles se développent, sans qu’on les ait semées. On la trouve de plusieurs façons. Soit avec un chien truffier dressé  tout spécialement pour cela, ou encore plus difficile, avec une mouche de couleur jaune, qui pond des œufs juste à côté ou au-dessus du tubercule, tant recherché par les gastronomes et Marcel était de ceux-là.
     Ses parents possédaient une ferme et avaient dressé un cochon du nom de Germain pour les rabasses. Le cochon cherche la truffe pour se nourrir. Marcel était vigilant et la ramassait aussi sec,  dès qu’il l’apercevait afin que le cochon ne la mange pas. Le chien lui creuse à l’endroit où il y en a une pour faire plaisir à son maître. Ce qui fait une grande différence.
     Quand c’est l’époque de la truffe, cela faisait une rentrée d’argent non négligeable, et arrondissait les fins de mois difficiles surtout au prix où elles sont vendues. On la trouve dans le coin de couleur brunâtre, et elle se ramasse de novembre à février. Marcel y allait dès qu’il le pouvait pour les fêtes de fin d’années, pour ne pas perdre la main disait-il.
     Dans son café, Marcel avait son petit secret qu’il ne dévoila à personne. Il avait installé dans le grenier trois fûts de deux cents litres, reliés les uns aux autres, qu’il remplissait tous les soirs à la tombée de la nuit, avec sa petite famille sans que personne ne les voit. Il allait aque sa femme et ses deux enfants, chercher l’eau à la fontaine et remplissait les cuves. Il avait également imaginé un système pour récupérer l’eau de pluie. Tout le monde croyait qu’il avait l’eau courante, même le maire ! Marcel faisait en sorte que la galéjade continue.
     Dans le village, il y eut une inauguration monumentale pour l’époque. Savez-vous que Carcès fut la troisième commune de France à avoir l’électricité, et oui mazette ! Vous vous rendez compte quel progrès! Quelques années avant le 20ème siècle, un barrage fut édifié aux confluents du Caramy et de l’Argens.
     A la nuit tombée, le soir de l’inauguration, la lune éclairait la campagne. Une grosse partie des villageois sur leur trente et un étaient rassemblés sur la place de la Mairie. Beaucoup de gens ne pouvaient pas y entrer, tellement elle était pitchounette cette placette. Ils étaient esquichés comme dans une boite de sardines.
     Sur la place, une estrade fut érigée ou se trouvaient le Maire et ses adjoints. Le Maire, écharpe en bandoulière, fier comme Artaban, fit un discours mémorable. Ventant les mérites du progrès et à la gloire de l’électricité. A l’heure actuelle sur la place de l’inauguration, on s’en souvient encore, de ce discours. Je le sais je l’ai entendu, en me promenant par un beau jour de printemps!
     Les lampadaires étaient installés dans toutes les rues, mais principalement autour de la place. Pour ce fameux jour, tous voulaient être là. Pensez donc un moment pareil, c’est fabuleux ! Ce n’était pas tous les jours qu’ils voyaient cela. Voir cette lumière jaillir de ces lampadaires de cuivres, dressés à la queue leu leu, quelle féerie! Cet événement apportait le progrès.
     Certains villageois, les larmes aux yeux applaudissaient. C’était la France des petites gens qui se trouvait là. Sortit tout droit des livres de Maupassant. C’était de l’authentique. La France profonde tout simplement.
     Beaucoup de gens des autres communes alentours venaient voir, curieux de voir le progrès en marche. Ils n’en croyaient pas leurs yeux, et pourtant c’était vrai.
     Ce fut Marcel qui le premier eut le privilège d’avoir dans son café, l’électricité. Imaginez, à cette époque, le premier commerce sans lampe à pétrole, et avec l’eau courante. Je peux vous dire que le Marcel était fier, il avait le bàti-bàti. Il l’inaugura en grande pompe, avec une tournée générale.
     Combien de ces villageois après un soir de beuverie se prirent ces lampadaires dans le teston. Personne ne s’en est plaint, certes. Mais cela a dû se produire.    
 Voilà, c’est l’histoire d’un personnage et d’une commune du midi, qui je l’espère vous aura fait quelque part sourire, avec l’envie de vous promener tout en musardant, en papillonnant, en plan-plannant dans ces rues, remplies de souvenirs d'antan. Afin de découvrir, ces petits villages typiquement provençaux.

Jean-Claude Herlant

 

               Le père Choir et la Baronne


        A cette époque, malgré la révolution passée, la noblesse était revenue un peu de partout en Provence, et notamment à Mane. Cette charmante petite commune des Alpes de Haute Provence, est située sur la montagne de Lure. On dit que c’est là que le ciel est le plus pur de la région. Ce village fortifié se trouve en plein cœur du pays de Forcalquier.
   Une bourgeoise de petite noblesse, étant revenue comme Belsunce sur ses terres natales. Elle  voulut récupérer sa bâtisse. Mais la République était passée par là et avait confisqué les terres de madame la Baronne. Avec l’aide du père Choir le curé du village, qui avait su argumenter en plaidant la cause de la bourgeoise, auprès des autorités locales. Le conseil municipal restitua à la Baronne sa gentilhommière, mais pas les terres.
«  A condition, qu’elle ne vive pas sur notre dos ! Si elle veut manger, elle n’a qu’à faire comme tout le monde, travailler » ! Avait répliqué le Maire.
   Cela irrita quelque peu notre Baronne. Mais quel métier faire ? Elle ne pouvait plus vivre de ses rentes, elle n’avait plus de terre, ni ses bois à exploiter, puisque la République le lui avait volé.
   Le père Choir était en place à Mane depuis quelques années et connaissait tout le monde au village. Il avait fait son  séminaire à Avignon, et avait obtenu  la paroisse actuelle, par son don de guérisseur. Il adorait cette région et voulut exercer son ministère à Mane, tout simplement, ce que le diocèse accepta.
   Le père Choir était toujours de bonne humeur. Il avait des mains d’or. Il faisait office de médecin, comme bien souvent à cette époque, en plus de sa paroisse. Il soignait les gens avec les plantes de toutes sortes qu’il connaissait bien. C’était un rebouteux, mais pas n’importe lequel ! Un rebouteux très qualifié, une vraie encyclopédie sur deux pattes. Avec ses remèdes, les habitants atteignaient des âges très avancés pour ne pas dire canoniques. Il était très aimé et apprécié de ces paroissiens.
   Il soignait les papets et les mamets qui se plaignaient du bas ventre. Des problèmes urinaires, intestinaux et autres mésaventures qui les obligeaient à aller au cagadou, très souvent. Pour ce genre de maladie, le père Choir avait un remède imparable. Sur la place, il avait demandé à la municipalité d’installer des bancs de pierres durs comme le granit. A peine installé, qu’il l’ai bénits. C’est ainsi que les constipés de naissance, les intestins fragiles, les culs-pincés venaient lire leur journaux sur des bancs inconfortables et froid. Même quand le cagnard plombait, les bancs étaient glacés. Depuis, les gens qui venaient s’y asseoir n’avait plus de problèmes de bas ventre. Même la Baronne les avait essayées, mais n’étant pas très républicaine, elle venait rarement sur la place publique. Elle trouvait quand même que cela lui faisait le plus grand bien, elle qui se plaignait de ces hémorroïdes ! Le père Choir commençait à être connu, pour ces remèdes, mais aussi pour le magnétisme qu’il dégageait de ses mains. Recevant beaucoup de courrier, il avait besoin d’une secrétaire. Et tout bonnement, il proposa à la Baronne de travailler à mi-temps pour son ministère. Ce qu’elle accepta !
   Le travail consistait à trier le courrier, à répondre aux lettres et prendre les rendez-vous ! Qu’elle ne fut pas sa stupeur de découvrir le nouveau timbre poste des PTT. Le timbre représentait l’illustre Marianne de la République dans toute sa splendeur. Elle en eu des vapeurs, les sueurs froides, le bàti-bàti, elle faisait des cauchemars rien que d’y toucher ! Elle ne supportait pas la vue de cette petite vignette. Et pourtant de part son nouveau métier, elle se devait d’affranchir les lettres que le père Choir lui demandait de poster. Elle le fit mais avec dégoût, désinvolture en grimaçant, rouméguant !
   Elle qui était plutôt royaliste trouva une idée, un moyen de se venger. De lui faire la nique, tout simplement. Elle timbra toutes les lettres de biscànti en collant la Marianne à l’envers, la tête en bas ! C’était sa petite vengeance personnelle.
   Au fond, elle se satisfaisait de cette situation en se disant que malgré tout, elle renversait la République. Quel soulagement, pour elle ! Elle s’en vantait devant le père Choir, qui n’en avait cure de ces balivernes, mais comprenait la royaliste de Baronne.
«  Voyez, mon père ! Je renverse de longue la République en collant le timbre à l’envers ». Puis elle mit en pratique le geste à la parole. Et le Père Choir de lui répondre en s’estrassant de rire : « Peuchère ! Qué mé dis ? Madame la Baronne, c’est vrai qu’en les collants ainsi, vous avez l’impression de renverser la République, à votre façon ! Mais avant de les coller sur les enveloppes. Vous leur léchez tout de

Jean-Claude Herlant

 

 



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